Un nouveau Saint Benoît pour un nouvel âge des ténèbres ? À quoi rêve donc Alasdair MacIntyre ?

La conclusion d’Après la vertu (1981) décrit la situation morale des sociétés modernes et de leurs institutions politiques comme un « nouvel âge des ténèbres », où la « civilité et la vie intellectuelle et morale » ne trouveront refuge et soutien que dans des « formes locales de communauté », que l’auteur du livre compare aux communautés bénédictines de l’empire romain en déclin. La quête d’un renouveau communautaire de l’éthique des vertus, dont ces formules sont l’expression hyperbolique, vise-t-elle un modèle politique alternatif à celui de la démocratie libérale ? Il n’est pas rare que les critiques et les admirateurs du livre s’accordent sur cette thèse interprétative en faisant d’Alasdair MacIntyre le théoricien d’un communautarisme conséquent, paradigme philosophique d’une « nouvelle théologie politique ». Dans une lecture plus contrastée de l’œuvre et de ses ambivalences, Marc Boss soutient que le communautarisme supposé de MacIntyre gagnerait à être compris – si tant est que l’étiquette ait quelque pertinence – comme une doctrine éthico- politique rigoureusement distincte de la doctrine juridico-politique autour de laquelle gravitent les discussions contemporaines sur le communautarisme, que ce dernier soit conçu dans les termes d’un multiculturalisme ou d’un républicanisme civique.

A New Saint Benedict for a New Dark Age ? What is Alasdair MacIntyre Dreaming of ?

The conclusion of After Virtue (1981) describes the moral situation of modern societies and their political institutions as “a new dark age”, where “civility and the intellectual and moral life” will find no support, except in “local forms of community”, which Alasdair MacIntyre compares to the Benedictine communities of the Roman Empire at the time of its decline. Does the communal retrieval of an ethics of virtue – the quest of which is dramatized in such hyperbolic terms – aim at an alternative political model to that of liberal democracy? It is not uncommon to see both critics and devotees of the book agreeing on this construal which makes MacIntyre the theorist of a consequent communitarianism, hailed or dismissed as the philosophical paradigm of a “new political theology”. In a more contrasted reading of the work and its ambivalent proposals, the author of this article argues that MacIntyre’s supposed “communitarianism” should rather be understood – if the label has any relevance at all – as an ethical-political doctrine strictly distinct from the legal-political doctrine around which contemporary discussions of communitarianism revolve, whether the latter is conceived in multi-cultural or civic-republican terms.

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p. 253-272

Auteur

BOSS Marc
Marc BOSS a été maître de conférences en théologie systématique et en dogmatique à l'Institut protestant de théologie, Faculté de Montpellier. Depuis 2014, il est maître de conférences en éthique et en philosophie et directeur du Fonds Ricoeur à l'Institut protestant de théologie, Faculté de Paris. Il est membre du Centre de recherches interdisciplinaires en sciences humaines et sociales (CRISES – EA 4424).