Après la condamnation de Jésus par Ponce Pilate, les persécutions des chrétiens par les autorités se sont poursuivies de manière épisodique pendant trois siècles. Guy Wagner montre que, si la responsabilité en incombe aux juifs, c’est pour une raison très particulière. Ceux-ci, en effet, ont perçu dès le début que cette extension incontrôlée de leur religion allait rendre impossible le maintien du statut que le sénat romain leur avait accordé. Non seulement leur tranquillité mais peut-être même leur existence était menacée.
La période grecque après la mort d’Alexandre a été très faste pour les juifs. Leur nombre a considérablement augmenté, surtout hors de Palestine. On peut dire approximativement qu’au moins deux Juifs sur trois vivaient hors de Palestine. Ils y ont prospéré, se sont enrichis et sont devenus très influents à tous points de vue. La Bible a été traduite et de nombreux ouvrages ont été écrits en grec. Cette réussite, en particulier financière, a provoqué la convoitise des autorités grecques et, de ce fait, des persécutions.
Au temps de Jules César, le sanhédrin à Jérusalem a fait appel aux Romains parce qu’il savait que ceux-ci désiraient étendre leur empire vers l’Orient. C’est ainsi que le sénat romain, conscient du rôle étonnant de ce peuple partout où il séjournait – rôle favorable à toute la population dans le domaine économique autant que culturel -, a accordé au peuple juif un statut tout à fait exceptionnel. Il fallait d’ailleurs que les Romains y tiennent puisque même la guerre juive et la destruction du Temple ne les a pas amenés à le modifier.
Pour l’essentiel de ce qui nous intéresse ici, précisons que les Juifs étaient autorisés à célébrer leur culte non seulement au Temple de Jérusalem mais aussi, à certaines conditions, en tout lieu de l’Empire. En toute liberté – à condition de ne pas provoquer de troubles – ils pouvaient adorer leur dieu et pratiquer les rites de leur étrange religion. De ce fait, ils ont été dispensés de tout autre culte, même du culte officiel de l’empereur, ce qui les dispensait aussi du service dans l’armée. Ils avaient le droit d’envoyer des offrandes pour le Temple de Jérusalem. Le sanhédrin était responsable de la vie religieuse et des incidents qui pouvaient en découler, non seulement en Palestine mais aussi dans tout l’Empire. Ceci est bien connu, mais on oublie en général de préciser à quelles conditions un statut aussi exceptionnel et favorable pouvait s’exercer sans provoquer de graves difficultés. Pour en bénéficier, il impliquait que les autorités romaines puissent savoir qui était juif et qui ne l’était pas, et ceci dans tout l’Empire. La circoncision pouvait en être une marque, et les Galates ont cru un moment pouvoir tromper ainsi les autorités en cas de difficulté (Ga 6/12-13). Ce peuple s’est, il est vrai, très fortement singularisé par sa Loi et son mode de vie. Mais le maintien de la Loi dans tous les lieux et toutes les situations n’a été possible que grâce à l’organisation que les juifs se sont donnée avec les synagogues. Avec la Bible, elle a d’ailleurs permis le maintien de cette religion pourtant constamment menacée jusqu’aujourd’hui, donc pendant vingt siècles ! Trois responsables doivent être désignés. La présence de dix hommes était nécessaire pour que le culte puisse se faire. C’est grâce au lien avec les synagogues que le sanhédrin a pu maintenir son autorité sur ce peuple à ce point dispersé et que le judaïsme a pu se maintenir après la destruction du Temple et la disparition du sanhédrin. Pour ce qui nous intéresse, cela impliquait que le chef de la synagogue était responsable, devant les autorités romaines, des membres de sa communauté. Il ne pouvait dès lors tolérer que des gens se déclarent juifs sans se soumettre aux règles de cette religion et aussi à son autorité. La Bible avait été traduite en grec. Une abondante littérature avait paru en cette langue, rendant accessible cette religion à beaucoup de gens cultivés. Des païens intéressés par la Bible pouvaient fréquenter les synagogues, mais « à la porte » c’est-à-dire sans pénétrer dans le sanctuaire proprement dit. Suivre tous les préceptes de la Loi leur était impossible sans se couper radicalement de leur milieu. Sorte d’État dans l’État, pour garder sa tradition ce peuple affirmait sa différence et rendait pratiquement impossible la pleine adhésion d’un non juif. Dans le livre des Actes, en particulier en 13/13-49, Luc montre combien nombreux ont été ceux qui ont écouté le message de Paul et l’ont accueilli parce qu’il leur permettait, grâce à Jésus, d’adorer le Dieu unique de la Bible sans se soumettre aux coutumes juives. Mais ceci a été ressenti par les juifs non seulement comme une erreur mais comme une dangereuse concurrence. En Actes 18/12, Luc nous dit que les responsables de la synagogue à Corinthe ont dénoncé Paul et l’ont même amené au proconsul Gallion. « C’est à un culte illégal du Dieu des juifs que cet homme veut amener les gens », disent-ils. Et ils expliquent que cela va provoquer des désordres dont ils ne sauraient être tenus pour responsables. Ils ont raison. Et pourtant, Gallion refuse de les entendre. Il n’a pas pu ne pas avoir compris. Peut-être souhaitait-il, comme beaucoup de gens cultivés, adorer plutôt le Dieu unique des juifs que les idoles gréco-romaines. Dans la suite, Luc évitera soigneusement de mentionner toute autre jugement des autorités. Nous verrons que, dans les Évangiles comme dans les Actes, la responsabilité des persécutions n’incombe qu’aux juifs, et même plus précisément au sanhédrin, à un moment (après 70) où le Temple a été détruit et où le sanhédrin a disparu.
Il est admis à présent que Paul a été emprisonné à Éphèse avant de l’être à Rome. Luc n’en parle pas. Il l’évitera aussi pour Rome. Mais en 1 Co 15/31, Paul lui-même écrit : « À quoi m’aurait servi de combattre les bêtes à Éphèse si je m’en tenais à des vues humaines ? » Cette phrase doit être rapprochée de ce qu’il a écrit ensuite aux Philippiens en 2/13-30. On peut supposer que Paul a été arrêté à Éphèse sur dénonciation des juifs, comme à Corinthe. Mais là, Paul a été effectivement arrêté. On peut imaginer que, comme Gallion, les juges ont estimé qu’il s’agissait là d’une condamnation excessive due à l’intransigeance des juifs qui voulaient rester seuls propriétaires de leur religion tout en faisant de la propagande pour elle en grec. Auraient-ils organisé un combat fictif contre les bêtes en s’arrangeant pour que Paul n’y perde pas la vie ? Ce n’est pas impossible puisqu’en Ph 1 il écrit : « Tout le prétoire et partout ailleurs il est bien connu que je suis en captivité pour le Christ ». Une telle popularité ne surprend pas le lecteur actuel. À la réflexion, elle est étonnante. Paul ne sait pas quel sera son sort, mais il espère être libéré et poursuivre sa tâche ! Ce condamné à mort est autorisé à recevoir des cadeaux et même un serviteur que d’autres croyants ont mis à son service. Il a finalement été libéré mais nous ignorons dans quelles conditions. Luc s’est bien gardé de mentionner cette arrestation. Il l’a remplacée par le récit historiquement tout à fait invraisemblable d’une révolte, dès ce moment, des orfèvres. Luc anticipe sur la manière dont il voit l’avenir. Le seul danger de la foi nouvelle est la destruction des idoles ! Au moment où Paul a été arrêté, l’empereur ne s’était pas encore prononcé. Les juges ont pu hésiter en écoutant les plaintes des juifs et libérer Paul de manière quasi clandestine.
Au chap. 20 des Actes commence le récit de la collecte pour les frères de Palestine qui, globalement, ont subi plus d’épreuves que ceux de la diaspora, comme nous le verrons plus loin. Paul lui-même en parle longuement en 2 Co 8-9. L’originalité de Luc est de présenter ce voyage comme un chemin de croix parallèle à celui qu’il a raconté en Lc 23/26-32. Toutes les Églises fondées par Paul y sont représentées, y compris celle d’Éphèse où pourtant il ne se rend pas. Il est « prisonnier de l’Esprit » en route vers Jérusalem, lieu de son arrestation exigée par les juifs. À plusieurs reprises, Luc présente cette arrestation comme le résultat d’un complot (Ac 9/24, 20/3 et 19, 23/12 et 22). Et c’est bien à Jérusalem que Paul sera condamné par le sanhédrin. Il est important de noter qu’au moment où Luc a écrit aussi bien son Évangile que les Actes, le sanhédrin a disparu avec le Temple. Luc est aussi soucieux de montrer que les Romains sont convaincus de l’innocence de Paul que de décrire l’acharnement des juifs, sans raison valable, à le faire condamner. Luc connaît le motif mais évite soigneusement de le nommer. Il est vrai qu’après la destruction du Temple, il le croit périmé à terme. Pour lui, avec Jésus, le temps du choix exclusif du peuple juif par le Dieu universel est virtuellement périmé.
Si le voyage vers Jérusalem a été funèbre, celui vers Rome est triomphant. C’est d’ailleurs, selon Luc, Paul lui-même qui l’a demandé du fait qu’il aurait été citoyen romain. Peut-être est-ce une des raisons pour lesquelles il n’a pas mentionné le jugement à Éphèse ! Comme celui vers Jérusalem, le voyage vers Rome est rédigé à la première personne du pluriel « nous ». Faut-il en conclure que tous ces accompagnateurs ont attendu Paul pendant tout son séjour à Jérusalem ? C’est le condamné qui, cette fois, a constamment l’initiative. Il dirige les opérations, sauve l’équipage, apporte le salut à tous ! Mais le groupe des accompagnateurs cesse d’être nommé juste avant l’arrivée à Rome ! Luc ne peut ignorer la condamnation et la mort de Paul à Rome. C’est donc à dessein qu’il ne la mentionne pas ! On peut d’ailleurs se demander s’il ne l’a pas remplacée par celle d’Étienne, Stéphane couronné martyr du sanhédrin exécuté à Jérusalem. Le Paul de Luc dispose d’un appartement à Rome où il reçoit librement des juifs et leur annonce l’évangile ! Luc pense qu’avec la destruction du Temple et la disparition du sanhédrin, les juifs vont écouter Paul et reconnaître que le « véritable » Israël est désormais l’Église de Jésus, le Christ. Notons que le dernier mot de la citation d’Ésaïe dans les Actes est bien, comme dans la Septante, un futur : « Je le guérirai ».
Nous espérons avoir montré que Luc connaissait le motif de la persécution des chrétiens mais qu’il a cherché à la cacher pour ne pas favoriser une décision qui lui a paru non seulement injuste mais provisoire.
La question se pose dès lors de savoir si la condamnation de Jésus par Ponce Pilate à la demande du sanhédrin n’aurait pas été prononcée pour le même motif.
Nous nous bornerons à quelques remarques sur la manière dont les Évangiles présentent la comparution de Jésus devant Pilate. L’accusation est menée par le sanhédrin et plus précisément le grand-prêtre. À la question mentionnée dans les quatre Évangiles : « Es-tu le roi des juifs ? », Jésus répond : « c’est toi qui le dis ». La question est donc politique mais seulement dans la bouche de Pilate ! La mention de Barabbas est là pour montrer qu’il ne s’agit pas d’une menace directement politique pour les Romains. Pilate semble ne pas comprendre la raison de l’acharnement du grand-prêtre. La seule raison qui nous paraît valable, c’est que les évangélistes n’ont pas voulu la donner à leurs lecteurs non avertis.
On remarquera d’ailleurs que le mystère ne se borne pas au silence des évangélistes ni de Luc dans les Actes. Le nom de cet homme dont le 2000eanniversaire est célébré un peu partout dans le monde n’est mentionné nulle part, ni dans la littérature païenne, ni dans la juive, ni même dans la chrétienne avant la 1re épître connue de Paul, donc celle aux Thessaloniciens en 51, soit une vingtaine d’années après la mort de Jésus ! Les Évangiles ont été rédigés après la ruine du Temple, soit une quarantaine d’années après pour Marc et plus pour les autres !
Nous pensons que ce surprenant silence s’explique par le fait que personne n’avait intérêt à mentionner par écrit le nom de ce crucifié : les chrétiens pour ne pas éveiller les soupçons et justifier la persécution, les juifs pour ne pas susciter la jalousie en faisant connaître davantage les privilèges exclusifs dont ils bénéficiaient, enfin les païens intéressés par le monothéisme et l’exigence morale des juifs mais gênés par cette décision prise au plus haut niveau de l’Empire. Le silence des Évangiles rejoint celui que nous avons constaté dans les Actes.
La question se pose alors de savoir s’il est possible d’affirmer que Jésus, déjà, ait annoncé avec la condamnation du culte du Temple que le moment de la conversion des païens était venu. Les Évangiles sont prudents mais ne l’écartent pas. Ils le savent mais évitent de le dire. Autour du lac de Tibériade se regroupent d’abord 5000 hommes, puis, juste après, 4000, qui désignent manifestement les juifs puis les païens. Et si ce lac est désigné comme « mer », c’est bien parce que Marc pense à la Méditerranée mais évite de le dire. La ville de Gérasa en 5/1-20 est, comme le remarque la TOB, trop éloignée pour désigner le lac. La mention des porcs indique pourtant clairement que, dans la pensée de l’auteur, il s’agit de païens. En 7/24 Marc désigne clairement le territoire de Tyr et de Sidon et présente la femme comme Syrophénicienne. On remarquera que Matthieu, plus prudent, la désigne comme Cananéenne. Plus prudent encore, Luc effacera l’épisode.
Chez Jean, après le premier signe de Cana où l’eau de purification des juifs est changée en vin, après la purification du Temple, l’entretien avec Nicodème puis la Samaritaine, le second signe à Cana est la guérison par Jésus du fils d’un officier royal, donc un païen. Dans le quatrième Évangile, le souci de se préserver n’a pas été aussi fort que chez Marc et les autres pour taire la guérison de païens et donc l’intérêt que Jésus leur a porté.
Mais puisque les épîtres de Paul sont le plus ancien témoignage que nous ayons sur Paul, le seul rédigé avant 70 et même avant la condamnation de Paul, il nous paraît essentiel de chercher dans ses épîtres ce que nous pouvons apprendre sur Jésus. À première vue, presque rien, mais il vaut la peine d’y regarder de plus près !
En 1 Co 15/3, Paul cite une confession de foi qu’il a lui-même reçue et qu’il transmet. Il s’agit donc du texte le plus ancien que nous possédons. « Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures. Il a été enseveli. Il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures. Il est apparu à Céphas puis aux Douze. Ensuite il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois … ». Même ceux qui cherchent à minimiser l’importance de ce texte ne peuvent nier que les passages visés sont Ésaïe 53 pour la mort et Osée 6/2 pour la résurrection. Au moment de la libération de Babylone par les Perses, le prophète annonce qu’Israël est le Serviteur de Dieu, du Dieu unique chargé de proclamer au monde entier la bonne nouvelle (l’évangile) du salut universel. Avec stupéfaction les persécuteurs vont découvrir que leur victime est en réalité Celui qui leur ouvre les yeux et leur apporte le salut. La fin du livre annonce un renouvellement du monde, mais il se fera par la découverte des païens que le salut se trouve bien à Jérusalem ! C’est dans cette optique que les juifs ont traduit la Bible en grec et publié de nombreux ouvrages. Ils suscitent ainsi une attente chez beaucoup de gens cultivés. Mais Israël ne renonce ni à ses coutumes, ni à son statut. La condamnation et la mort de Jésus ont donc amené ceux qui l’avaient suivi à penser que le vrai serviteur rejeté même par les siens était Jésus. Encore fallait-il qu’il ait au moins annoncé l’ouverture du salut aux païens.
En 1 Th 1/9-10 nous lisons : « Vous vous êtes tournés vers Dieu en vous détournant des idoles pour servir le Dieu vivant véritable et pour attendre des cieux son fils qu’il a ressuscité des morts, Jésus qui nous arrache à la colère qui vient ». Le passage est nettement apocalyptique puisque la parousie est annoncée. Or, celle-ci coïncide avec l’attente du Fils de l’homme annoncée par Daniel puisqu’il vaincra toutes les dominations païennes en révélant le triomphe du Dieu des juifs. Cette explication a l’avantage de faire un lien avec les Évangiles. Dans Marc, la venue du Fils de l’homme est à la fois attendue (par ex. 13/24) et déjà survenue en la personne de Jésus (14/62). Si nous revenons à 1 Co, nous lisons en 9/1 : « N’ai-je pas vu Jésus Seigneur ? » Le terme grec kurios est celui que la Bible grecque emploie pour traduire non pas l’imprononçable tétragramme mais la manière dont les juifs l’expriment : « mon Seigneur », c’est-à-dire Adonai, « Dieu qui se révèle à moi ». En découvrant en Jésus l’authentique serviteur, c’est la présence et l’oeuvre de Dieu qui se révèlent en lui et par lui. En Ga 1/16 il précise : « Quand Dieu a jugé bon de révéler (en grec apokalupsei) en moi son Fils afin que je l’annonce aux païens, aussitôt, sans recourir à aucun conseil humain, ni monter à Jérusalem auprès de ceux qui ont été apôtres avant moi, je suis parti en Arabie. » Pourquoi ne s’est-il pas rendu à Jérusalem ? L’explication se trouve en 1 Th 2/14-16 où Paul écrit : « En effet, frères, vous avez imité les Églises de Dieu qui sont en Judée, dans le Christ Jésus puisque vous aussi avez souffert de vos propres compatriotes, ce qu’elles ont souffert de la part des juifs ; eux qui ont tué le Seigneur Jésus et les prophètes, ils nous ont aussi persécutés, ils ne plaisent pas à Dieu et sont ennemis de tous les hommes, ils nous empêchent de prêcher aux païenspour les sauver et mettent ainsi en tous temps le comble à leur péché. »Ce jugement abrupt s’explique par la situation. Les juifs ont dénoncéaux autorités de la ville de Thessalonique ces gens qui se réclament du Dieu des Juifs sans être juifs. Ce qui est particulièrement significatif dans ce passage, c’est l’affirmation par Paul d’une sévère persécution des premiers chrétiens en Palestine. Elle est, certes, mentionnée dans les Actes, mais Luc s’efforce de la minimiser. Il est beaucoup plus soucieux de montrer que les premiers chrétiens, qu’ils soient d’origine juive ou païenne, sont chez eux à Jérusalem. Il imagine l’avenir plus qu’il ne raconte le passé ! Au moment de la mise à mort d’Étienne, Paul fait certes partie du groupe des persécuteurs mais ne jette pas de pierres. La présentation de la situation par Paul est radicalement différente. En Ga 1/20, il dit : « mon visage était inconnu aux Églises du Christ en Judée » ; simplement, elles avaient entendu dire : « Celui qui nous persécutait naguère annonce maintenant la foi qu’il détruisait alors et elles glorifiaient Dieu à mon sujet ». Si Paul n’est pas venu en « Judée », c’est tout simplement parce que sa vie y était en danger comme elle l’a été ensuite partout où il y avait des juifs, comme déjà à Damas selon 2 Co 11/32-33. A fortiori à Jérusalem, et c’est bien pourquoi il ne s’y est pas immédiatement rendu ! Il y est quand même « monté » trois ans après, mais en cachette. Il écrit en effet qu’en quinze jours il n’a vu que Pierre et Jacques. Du fait que Luc les présente comme des personnalités connues et respectées dans la capitale, certains exégètes en ont conclu que Paul n’avait pu être reçu que par quelques-uns pour quelques rencontres ! Mais si nous suivons le témoignage de Paul lui-même, il est clair que sa vie était en danger et que sa présence mettait en danger celle de ses amis. Il se cache ! Quatorze années se passent avant qu’il ne revienne. Il précise qu’il le fait à la suite d’une révélation (apocalupsis en grec). Il amène avec lui Tite, un païen incirconcis. Malgré la crainte de quelques-uns, on ne demande pas qu’il le soit. Cet incirconcis est un frère en Christ ! Pierre se rend même à Antioche, rencontre des frères incirconcis et mange avec eux. Pourquoi des envoyés de Jacques viennent-ils le lui reprocher ? Si les juifs n’ont aucun pouvoir direct dans une capitale immense comme Antioche, certains n’en surveillent pas moins ce que font ces juifs infidèles et sont donc prêts à les dénoncer à Jérusalem, d’autant qu’ils y habitent et y jouent un rôle. Jacques avertit Pierre qu’il y a eu une dénonciation, en sorte que Pierre pense nécessaire de ne pas provoquer de nouvelles difficultés aux frères si menacés. Mais Paul explique qu’on ne peut pas engager des païens dans le risque sans l’assumer soi-même. De fait, Pierre va les assumer puisque, comme Paul, il ira prêcher l’évangile en monde païen. Et même Jacques, comme Paul et Pierre, mourra martyr. La communauté de Jérusalem déclinera. Elle s’appauvrit aussi, en sorte que Paul considère qu’il est de son devoir de lui apporter une aide. Il y laissera sa vie. Ensuite, la communauté de Jérusalem disparaîtra lentement après la guerre juive.
Le témoignage de Paul nous autorise dès lors à penser que le sanhédrin a pu faire comprendre à Pilate que ce Jésus non seulement contestait dangereusement le culte sacrificiel du Temple, mais qu’il annonçait la venue imminente d’un messager céleste ouvrant à tous dans l’Empire l’accès à leur religion sans aucun contrôle ! Le sanhédrin dans ces conditions n’était plus en mesure de garantir le statut que le sénat avait accordé aux juifs. Comprenant l’enjeu pour l’ensemble du monde romain d’une propagande aussi illusoire que néfaste, Pilate a décidé d’adopter la seule solution qui, à ses yeux, pouvait conjurer immédiatement le danger, la peine exemplaire propre à arrêter immédiatement et définitivement le rôle de ce dangereux rêveur : la crucifixion.
Following the condemnation of Jesus by Pontius Pilate, there were periodic persecutions of christians by the roman authorities over the next three centuries. The author analyses the reasons why Jewish communities played an active part in these persecutions. From the beginning they understood that christianity would appear as an uncontrolled extension of judaism and would therefore be a threat to the privileged status granted to jewish religion by the roman authorities.
p.1-8
Auteur
WAGNER Guy
Guy WAGNER (1921-2002) a été pasteur de l’Église réformée de France. A sa retraite, il est chargé de cours en Nouveau Testament à la Faculté de théologie protestante de Montpellier pendant quelques années.