En m’invitant à prendre la parole ici, je me demande si vous n’avez pas pensé à ce passage des Tristes tropiques où Claude Lévi-Strauss raconte que les Facultés de droit, qu’il a fréquentées dans sa jeunese, lui ont laissé, par leur aptitude à la rhétorique et aux subtiles controverses, l’impression d’être presque des Facultés de théologie. Toujours est-il qu’il m’est apparu que, pour répondre à votre invite, je ne saurais mieux faire que d’édifier mon exposé autour d’une notion qui fût commune aux deux disciplines. J’ai choisi la notion de loi. Je pressens l’objection : que la loi des juristes n’est point celle des théologiens, qu’elles n’ont ni même origine, ni même substance. Il ne faut pas, pourtant, s’exagérer l’opposition. Cette loi dont le Psaume 119 chante les merveilles et les délices a régi, régit encore pour partie, très pédestrement, la société hébraïque. Et cette loi que j’ai enseignée comme droit positif, applicable dans la société française, n’a-t-elle pas aussi, à sa façon, quelque chose de merveilleux, sinon de délicieux ?
Leçon d’ouverture de l’année universitaire 1989-1990, prononcée à la Faculté de théologie de Montpellier le 7 novembre 1989, lors de la remise du doctorat honoris causa au Doyen J. Carbonnier.
p. 507-518
Auteur
CARBONNIER Jean
Jean CARBONNIER (1908-2003), juriste reconnu, spécialiste de droit civil, a été professeur à la Faculté de droit de l'Université de Poitiers de 1937 à 1955 puis à celle de Paris (Université de Paris, puis Université Panthéon-Assas Paris II) jusqu'en 1976.