Dans ses écrits allemands comme dans son œuvre américaine, Paul Tillich affirme l’idéal éthique de la justice créatrice, une justice supérieure mise en œuvre par la puissance transformatrice de l’amour/agapè. La justice créatrice est fondée sur l’affirmation du pouvoir d’être en tout être, sur l’interdépendance ontologique du pouvoir, de l’amour et de la justice et sur l’irruption de l’amour et de la justice divine. Éprouvés comme grâce, l’amour et la justice divines surmontent de façon fragmentaire les ambiguïtés de l’amour et de la justice ordinaires. Mary Ann Stenger explore les fondements ontologiques et théologiques de la théorie tillichienne de la justice créatrice et soumet ses applications au critère d’une vision différenciée du pouvoir politique. Pour que la justice créatrice devienne effective, ceux qui se tiennent près des centres de pouvoir et ceux qui sont relégués dans leurs marges doivent accepter de s’écouter réciproquement, de pardonner (mais sans oubli) les injustices passées et d’user de tout le pouvoir qu’ils ont en leur possession pour créer des structures politiques plus justes.
Paul TILLICH, Amour, pouvoir et justice. Analyses ontologiques et applications éthiques, Paris : PUF, 1964.
In both his German writings on religious socialism and in his American writings on social ethics, Paul Tillich affirms the ethical ideal of creative justice, a higher form of justice enacted through transforming love. Creative justice is grounded in the affirmation of the power of being in all beings, the ontological interdependence of power, love, and justice, and the breaking in of divine love and justice. Experienced as grace, divine love and justice overcome fragmentarily the ambiguities of ordinary love and justice. Mary Ann Stenger explores the ontological and theological bases of Tillich’s theory of creative justice and critiques his political applications in terms of the differentiation in political power. For creative justice to be effective, both those with more power and those who are marginalized must listen to the other, forgive (but not forget) past injustices, and use whatever power they have to develop more just political structures.
p. 511-527
Auteur
STENGER Mary Ann
Mary Ann STENGER, docteur en philosophie, est professeur retraitée au département des humanités (sciences religieuses) de l'Université de Louisville, Kentucky.