Entre culture et théologie, une lecture d’Esther 1

Le premier chapitre du livre d’Esther parle de la disgrâce de la reine Vashti, femme du roi Xerxès, ainsi que du projet de son remplacement. Innocent Himbaza montre que ce texte, outre qu’il pose des questions narratives suscitant diverses interprétations, règle une affaire culturelle dans un monde bien différent de celui de ses lecteurs actuels. Le lecteur est invité à considérer le texte avec les yeux de ceux qui vivaient dans cette culture pour comprendre les valeurs qui y fondaient l’harmonie familiale.

I – Introduction

Esther est un texte tardif, son vocabulaire contient certaines expressions tardives venant de l’époque perse. On date généralement sa rédaction entre le IVe et le IIe siècle avant J-C.

Le premier chapitre ne contient pas le thème principal du livre d’Esther. Il sert d’arrière-fond pour mettre en scène l’entrée d’un personnage clé de toute l’histoire des chapitres suivants, la reine Esther, une jeune juive qui sauvera ensuite son peuple. C’est plutôt le péril encouru par le peuple juif qui est en jeu dans la suite du livre.

Dans ce chapitre, nous avons la description de la grandeur, de la puissance et des richesses du royaume et du roi Xerxès. Xerxès est un roi qui sait exalter sa gloire, parmi ses sujets, grands et petits, ainsi que parmi les étrangers. Sa magnanimité l’amène à offrir un banquet à tous ceux qui se trouvent à Suse, la citadelle.

C’est à la fin de ce banquet que se produit l’incident qui met en cause la légitimité de Vashti, la reine, qui désobéit à son roi. La tradition risque d’en être ternie. Il faut non seulement faire remplacer cette reine, mais encore éclaircir la loi au sujet des relations dans le couple.

Ce texte règle une affaire plutôt culturelle que théologique : La structure de la famille est conçue de façon hiérarchique, l’homme étant en tête, et on doit le respecter. Cela doit être et rester dans les moeurs de la population, selon l’entendement de ses dirigeants.

La suite du texte voit effectivement la montée de la jeune Esther qui va remplacer Vashti. Avec Esther, c’est une autre histoire qui commence, on ne se préoccupe plus de Vashti. On a l’impression que l’histoire de Vashti n’est là que pour mettre en valeur Esther. Ce qui est souligné est que la future reine sera plus belle, parce qu’on devra choisir la plus belle des filles du royaume. En plus, elle sera probablement plus obéissante. Dieu n’est pas mentionné dans ce livre ; c’est probablement parce qu’il parle du salut des juifs que le livre d’Esther est intéressant pour la Bible.

Pour les lignes qui suivent, je me limite à la lecture du premier chapitre, tout en étant attentif aux réponses que la tradition juive a données aux questions que pose la narration de ce texte.

II – Lecture du texte

Ce texte en prose se présente comme un conte où le narrateur explique tout ce qui se passe. Le seul discours direct, qui indique là où le narrateur veut mettre l’accent, est la proposition que Memoukân fait en vue de trouver une solution à la crise causée par l’attitude de Vashti.

Le chapitre est divisé en trois parties : v. 1-9, la description et l’exaltation du royaume de Xerxès ; v. 10-15, la désobéissance de Vashti ; et v. 16 à 22, la décision de sa disgrâce.

L’événement dont parle ce récit s’enracine résolument dans l’histoire (v. 1). Xerxès en est le point de repère, qui semble suffire pour le rédacteur. Ce roi omniprésent dans le texte d’Esther est un personnage clé. Le récit exalte ensuite sa grandeur en précisant qu’il régnait sur cent vingt-sept provinces.

L’exaltation de la grandeur du royaume se passe dans le cercle des grands (v. 2-4). Le banquet concerne d’abord le roi et les dignitaires du pays. Ces notables restent chez le roi pendant cent quatre-vingt jours. Les six mois consacrés à la contemplation des richesses et de la gloire du roi semblent être une fort longue période, ce qui a fait penser à certains que ces notables se succédaient à Suse.

Lorsque la porte du banquet s’ouvre pour tout le monde cette fois-ci sans distinction (v. 5-8), il s’agit d’un banquet de sept jours. La place où a lieu ce banquet est décrite en détail, comme pour exalter davantage les richesses du roi qu’accompagne sa largesse. Non seulement Xerxès apparaît comme un roi très riche, mais encore très magnanime. Tout se passe pour le mieux, et cela est aussi à mettre au crédit du roi.

Selon la tradition, Vashti a fait un banquet à part pour les femmes (v. 9). Cela semble aussi aller pour le mieux, pourvu qu’on fasse la fête. On peut imaginer la grande joie lors de ces fêtes où il y avait suffisamment à boire, chacun buvant comme il voulait.

Narrativement, on sent que, l’exaltation de ces festivités grandissant, quelque chose d’autre va survenir. On semble pousser à la perfection en décrivant la beauté de la fête à la cour d’un roi richissime, comme si l’on devait aboutir à un contresens ou à quelque chose qui mettrait en question et perturberait tout cela.

L’expression bâyyôm hashshebî`î(au septième jour) du v. 10 dénote la fin, la clôture des festivités d’une semaine.

L’utilisation du chiffre sept qui revient dans le même verset en parlant des eunuques, ainsi qu’au v. 14 à propos des sages qui entourent le roi, fait sentir la connotation de plénitude et de perfection véhiculée par ce chiffre. Ce royaume se veut parfait.

« Alors que le coeur du roi était « bon » à cause du vin » (v. 10). Cette phrase ferait penser que le roi commence à être ivre, et qu’il ne contrôle plus tout à fait la situation. Cependant, la suite du texte ne nous invite pas à aller dans cette direction, le roi agissant plus habilement qu’on ne l’imaginerait.

La reine refuse de venir se présenter devant le roi, ce qui provoque la colère de ce dernier (v. 12). C’est l’incident qui gâche la fête. Toute la joie de la fête pour le roi, chez qui celle-ci se déroule, est changée en colère. Le texte massorétique reste silencieux sur les motivations du refus de Vashti de se présenter devant le roi conformément à l’ordre qu’il a transmis par l’intermédiaire de ses eunuques. Cela a ouvert la porte à plusieurs hypothèses. Considère-t-elle que le roi dérange la fête des femmes ? Certains pensent que Vashti refuse de venir à cause de la décence et de la modestie qui incombent aux femmes perses, surtout lors de rassemblements de cette natur. Dans la tradition juive, le traité Megillah du Talmud de Babylone 12b ainsi que les deux premiers Targums disent que le roi voulait que la reine se présente nue. Cependant, le premier Targum d’Esther dit que Vashti a refusé de venir conformément à l’ordre et au plan de Dieu alors que le deuxième Targum dit que Vashti considérait que venir nue devant les sujets du roi était dégradant pour une femme de haut lignage. Une noble perse l’aurait d’ailleurs soutenue dans cette idée.

Le roi se tourne alors vers les spécialistes de la tradition et de la loi pour demander ce qu’on fait dans un tel cas (v. 13-15). Le jugement va donc se baser sur la légalité et non sur l’arbitraire. Ici, on remarque que ce sont des hommes qui jugent l’affaire d’une femme : c’est une société patriarcale où l’homme commande. Comment un conseil de femmes aurait-il réagi ? De toutes façons, ces hommes, ces sages – et non le roi lui-même – vont juger le cas selon leur sagesse.

Dans son discours (v. 16-20), Memoukân, un des sages, fait remarquer qu’il y a risque d’extension de l’action de la reine sur toutes les femmes du royaume qui désobéiront à leur mari. Pour lui, il s’agit d’empêcher que l’attitude de Vashti crée un fâcheux précédent.

La place du roi et de la reine dans la société est si grande que ce qu’ils font se répercute indubitablement sur le reste de la population. Ainsi la reine sera-t-elle punie non seulement pour elle, mais surtout pour le mauvais exemple que représente sa désobéissance.

La démarche de Memoukân consite à rechercher le bien (hébreu tob, « bon »). Cet adjectif utilisé quatre fois dans ce chapitre (v. 10, 11, 19, 21) joue sur ses acceptions pour exprimer soit ce qui convient, soit ce qui est agréable. La proposition de Memoukân sera acceptée si elle est jugée « bonne ».

Le texte hébreu joue sur les mots en utilisant le même verbe « sortir ». En effet, ce que la reine a fait (debar hammalkâh) ne doit pas sortir (v. 17) ; c’est plutôt le décret royal (debar malekout) qui doit sortir (v. 19) et être connu dans tout le royaume. La prescription royale qui règle les rapports familiaux devra dorénavant être reconnue comme une règle de la société qui fait partie de ses coutumes.

Quant à Vashti, elle doit tout simplement être disgraciée. Sa punition est-elleexcessive ou appropriée ? Le texte ne répond pas à une telle question. Le premier Targum d’Esther la considère comme appropriée : il était prévu que cette mauvaise femme, qui faisait travailler les filles israélites nues – en plus, le jour du sabbat -, soit elle aussi amenée nue ; elle était destinée à céder la place à Esther.

La disgrâce de Vashti va permettre l’entrée en scène d’Esther, l' »autre plus belle ». C’est par elle, en effet, que passera le salut des juifs. À ce titre, elle est un personnage de premier plan. Cependant la figure d’Esther ne se trouve pas dans le premier chapitre.

La solution de Memoukân est approuvée par le roi et par les autres princes qui sont considérés comme des jurés (v. 21-22). Ensuite, le roi envoie des lettres dans toutes les régions de son ressort pour dire que l’homme est responsable chez lui et qu’il doit parler sa langue. Cette clause au sujet de la langue, qui n’est ni dans la traduction de la Septante ni dans celle de la Vulgate, semble régler un différend familial potentiel, qui n’était peut-être pas tiré au clair jusque-là, et qu’on profite aussi de régler par la même occasion. Alors que le Targum Sheni se contente de dire que les femmes devraient se comporter comme la femme de Memoukân (Daniel), le Targum Rishon donne ce qui est supposé être le contenu de ces lettres : « Vous, nations, peuples et ceux qui parlent différentes langues qui vivez sous ma juridiction, notez bien que chaque homme doit dominer sa femme et la forcer à parler selon la langue de son mari et la langue de son peuple. »

III – Synthèse

1 – Un récit déconcertant

Ce récit révèle une société bien différente des sociétés occidentales modernes. Il est frappant, en effet, de remarquer que les hommes et les femmes ne sont pas réunis dans la même fête. D’un côté, disgracier la reine uniquement parce qu’elle refuse de se présenter à la fête des hommes, elle-même participant à celle des femmes, semble être une punition excessive. De l’autre, refuser de venir se présenter (sous réserve de ses raisons), alors que le roi a déjà pris des engagements envers ses invités, semble être aussi une réaction excessive de la part de la reine.

Le roi, qu’on penserait ivre et donc par là aussi capable du pire, fait preuve d’une grande habileté en ne jugeant pas lui-même le cas de sa femme, mais en le soumettant aux sages du royaume. Dans une telle situation, il n’est pas facile de distinguer entre une affaire privée familiale et une affaire publique, lorsque les personnalités concernées sont publiques comme le roi et la reine.

Il semble que le comité des sept sages, sinon le roi lui-même, profite de l’occasion pour ajouter une clause sur la langue officielle dans un foyer « mixte », puisqu’il n’était pas question de la langue dans cette affaire.

2 – Le jugement de sagesse ou la recherche du bien

Quand le « beau » cache le mal, il fait place au « bon » …

Le terme hébreu tob utilisé pour signifier ce qui est bon et beau revient plusieurs fois dans le premier chapitre (v. 10, 11, 19, 21) et semble être un des mots clés de ce texte.

Le détonateur de l’affaire Vashti est que le coeur du roi était « bon » à cause du vin. Montrer sa femme à ses invités, une femme « belle d’aspect », aurait rendu la fête encore plus agréable. C’est le beau.

Le refus de Vashti va révéler le risque d’un mal profond : le manque de respect et la colère dans tous les ménages, selon l’analyse d’un des sages.

La fête, les boissons, les présentations, et tout ce qui faisait le beau se révèlent tout d’un coup secondaires. Il faut maintenant faire place au jugement pour remettre de l’ordre. Il ne s’agira pas d’arbitraire dans ce jugement mais de suivre les lois qui existent, donc un jugement de sagesse (Pr 8/14-16). Ce jugement, qui va être approuvé par les sept sages, est lui aussi ponctué par le terme tob. Il faut qu’il soit « bon » pour être approuvé. La solution préconisée vise à barrer la route à la colère et au mépris. L’harmonie familiale qui est à la base de la tranquillité de toute la société, passe par la reconnaissance de la hiérarchie au sein même de cette famille dans ce royaume-là. Ce jugement ne vise donc pas l’oppression de la femme par l’homme, mais l’harmonie familiale qui, dans cette société, est hiérarchisée de cette manière.

Sans juger les lois et les coutumes des autres, la question est de savoir si, à notre époque et dans nos pays, nous respectons nos lois et nos coutumes ; si ce que nous faisons permet aux autres de vivre dans la tranquillité, loin du mépris et de la colère.

3 – Interprétations divergentes

La lecture du texte d’Esther 1 suscite des questions de la part du lecteur mais ne lui donne guère de réponses. De ce fait, il devient intéressant de remarquer comment, au sein d’une même tradition, en l’occurrence la tradition juive, on a répondu à ces questions. L’examen de deux Targums, par exemple, montre que la tradition juive a interprété très différemment certains éléments de ce texte. Le point le plus frappant est celui de l’image donnée à Memoukân, qui est identifié à Haman pour le premier Targum et à Daniel pour le second.

Le deuxième élément important est l’interprétation conjecturale pour répondre à la curiosité du lecteur. Ainsi, le second Targum s’étend sur des raisons du refus de Vashti de se présenter devant le roi, et le premier Targum trouve le contenu de la lettre envoyée à toutes les populations de l’empire de Xerxès.

4 – Un projet de salut

La disgrâce de Vashti va permettre l’avènement d’un autre personnage, une autre femme. Il est dit qu’elle sera plus « belle ». Alors que le texte précise que Vashti était « belle d’aspect », pour cette autre le texte ne précise rien, comme pour signifier qu’elle combinera les deux acceptions du terme tob : beau et bon. C’est à travers cette seconde femme que le peuple juif sera sauvé. Le grand projet narratif du livre n’est pas ce fait divers de la disgrâce d’une reine désobéissante et son remplacement par une plus obéissante ; il semble plutôt être le salut de tout un peuple qui passera par cette seconde femme.

5 – Un Dieu en même temps absent et présent

Cette question déborde le premier chapitre, elle concerne le livre d’Esther dans son ensemble. En effet, ce livre ne parle ni de Dieu, ni de la Torah, ni de l’Alliance, ce qui a d’ailleurs suscité des oppositions quant à sa canonicité, aussi bien chez les juifs que chez les chrétiens. La seule pratique religieuse de l’AT présente dans ce livre est le jeûne (4/16).

Le livre d’Esther est intéressant pour la Bible parce qu’il parle du salut des juifs, le peuple de Dieu. C’est à ce titre qu’on peut y lire la présence de Dieu à l’oeuvre, bien qu’il ne soit pas explicitement cité dans le texte lui-même. Les interprétations ultérieures dans le monde juif montrent que ce texte a été compris dans ce sens. Les ajouts en grec citent nommément Dieu comme étant actif, comme pour combler le vide causé par son absence dans le texte hébreu. Ce livre a été vu comme étant à l’origine de la fête des Purim.

IV – Conclusion

Cette lecture du premier chapitre d’Esther confronte le lecteur à trois types de questions.

Il y a d’abord des questions liées à la place du chapitre dans l’ensemble du livre. Bien que le texte du premier chapitre puisse se suffire à lui-même au plan narratif – une histoire qui se termine par le règlement de la hiérarchie familiale -, le lecteur ressent le besoin de savoir qui sera et comment se comportera la nouvelle reine.

Deuxièmement, il y a des questions narratives auxquelles le texte ne répond pas, comme les raisons du refus de Vashti de se présenter devant le roi, ou encore le contenu exact des lettres envoyées à toutes les populations du ressort du roi. Le lecteur est alors amené à choisir parmi les hypothèses possibles, avec le danger de l’exclusivisme ou de la conjecture.

Le troisième type de questions naît de la confrontation entre la culture que véhicule ce texte avec la culture même du lecteur. La tentation du lecteur chrétien est de vite juger cette culture en la comparant aux enseignements chrétiens, au lieu de la comprendre à partir de l’intérieur ; c’est-à-dire de l’observer à travers les yeux de ceux qui la vivaient.

Outre ces questionnements, la lecture d’un tel texte donne plusieurs indications sur la société dont il parle. Elle montre par ailleurs combien sa compréhension et son interprétation peuvent être différentes, même à l’intérieur d’une même tradition comme la tradition juive.

 


Notes

Innocent HIMBAZA est pasteur et docteur en théologie (sa thèse de doctorat portait sur les problèmes linguistiques, culturels et théologiques de la traduction de l’AT). Il a étudié au Rwanda, à Fribourg et à Jérusalem. Il travaille actuellement, sous la direction du Pr Adrian Schenker, au projet de BHQ (Biblia Hebraica Quinta).

1 C. A. MOORE, Esther. Introduction, Translation, and Notes, New York : The Anchor Bible, 1971, p. LVII-LX ; G. GERLEMAN, Esther. Biblischer Kommentar Altes Testament, Bd XXI, Neukirchen-Vluyn : Neukirchener Verlag, 1973, p. 37-39 ; R. J. COGGINS – S. P. RE’EMI,Israel Among the Nations. A Commentary on the Books of Nahum, Obadia and Esther, (ITC), Grand Rapids/Edinburgh : Eerdmans/Handsel, 1985, p. 109-110.

2 Bien que dans ce repas de fête on ait pu manger, il fait principalement allusion aux boissons. Son nom en hébreu mishtèh, vient de la racine shatah (boire) et il est souvent lié au vin (Est 5/6 ; 7/2). En plus la description des objets utilisés identifie spécialement des coupes, il n’y a aucune trace d’assiettes.

3 Selon Hérodote IX, 110, le roi Xerxès offrait un grand banquet une fois par année lors de son anniversaire de naissance et donnait beaucoup de cadeaux aux Perses.

5 C. A. MOORE, Esther

6 Selon Hérodote, la coutume perse veut que les hommes et les femmes soient séparés pendant le repas de fête, mais que les femmes rejoignent les hommes après le repas. Hérodote rapporte la discussion qui suivit le repas lors de la visite des Perses chez les Macédoniens : « À la fin du festin, les Perses, buvant à qui mieux mieux, tinrent ce langage : « Notre hôte macédonien, c’est la coutume chez nous autres Perses, quand nous offrons un grand festin, qu’alors nos concubines et nos légitimes épouses soient introduites et prennennt place près de nous … » À cela Amyntas répondit : « Perses, chez nous la coutume n’est pas ce que vous dites, mais que les hommes soient séparés des femmes ; mais puisque vous, qui êtes des maîtres, voulez cela aussi, cela aussi vous sera accordé ». »Histoires, livre V, trad. Ph. E. Legrand, Paris : Les Belles Lettres, 1898, p. 26 s.

7 De l’hébreu sarîsîm, ce sont d’abord les gardiens de femmes, les connaisseurs des confidences royales et par là de hauts fonctionnaires.

8 C. A. MOORE, Esther, p. 13. Cette interprétation est probablement influencée par FLAVIUS JOSèPHE, Antiquités XI, 191, qui dit qu’il n’était pas permis aux étrangers de regarder la beauté des femmes perses.

9 On peut voir les deux Targums dans B. GROSSFELD, The Two Targums of Esther. The Aramaic Bible, vol. 18, Collegeville (Minnesota) : The Liturgical Press, 1991.

10 B. GROSSFELD, The Two Targums of Esther, p. 35-36.

11 B. GROSSFELD, The Two Targums of Esther, p. 128-129. Le Targum Sheni dit que les princes discutaient au sujet des femmes, chacun affirmant que les femmes de sa région étaient les plus belles. C’est ainsi que le roi Xerxès, pour montrer que les femmes perses étaient les plus belles, a voulu leur présenter la sienne. Dans son refus, Vashti aurait aussi avancé un argument de beauté, en faisant savoir au roi que si les autres rois (princes) la voyaient, ils le tueraient pour la lui prendre.

12 Selon D. BARTHéLEMY, Critique textuelle de l’Ancien Testament, t. 1 : Josué, Juges, Ruth, Samuel, Rois, Chroniques, Esdras, Néhémie, Esther, (OBO 50/1), Fribourg/Göttingen : Éditions universitaires/Vandenhoeck & Ruprecht, 1982, p. 576, les connaisseurs des temps ne sont pas des astrologues comme cela apparaît dans certaines traductions, mais des analystes ou des archivistes.
Le terme utilisé pour parler de la loi est dât. C’est un mot tardif de l’époque perse. Il signifie la tradition, la norme en vigueur, la règle, et donc la loi. En syriaque, le terme dâta signifie une personne âgée. Ce sont les personnes âgées qui connaissent les traditions d’une société.

13 Les deux Targums ne s’entendent pas sur l’image accordée à Memoukân, l’un le prenant comme un personnage négatif et l’autre comme très positif. En effet, le Targum Rishon identifie Memoukân à Haman, le conseiller du roi qui voulut exterminer les juifs et qui finit pendu (Est 3-7). Voir B. GROSSFELD, The Two Targums of Esther, p. 37. Cela dit que les conseils de Memoukân sont de mauvais conseils pour le Targum Rishon, mais ils s’inscrivent dans le plan de Dieu de sauver les juifs.
Le Targum Sheni, quant à lui, identifie Memoukân à Daniel qui a une parole de sagesse et qui avait prédit que Vashti serait exécutée. Voir G. GROSSFELD, The Two Targums of Esther, p. 130.
La tradition du Targum Rishon qui donne une image négative à Memoukân s’accorde avec le Talmud (bMegillah 12b), tandis que celle du Targum Sheni, qui en donne une image positive, s’accorde avec le midrash Pirkê de Rabbi Eliezer, XLIX. Voir G. GROSSFELD, The Two Targums of Esther, p. 130, et la note 67. Pour la bibliographie de ce midrash, voir G. FRIEDLANDER (trad.), Pirkê de Rabbi Eliezer (The chapters of Rabbi Eliezer the Great), According to the Text of the Manuscript Belonging to Abraham Epstein of Vienna, New York : Benjamin Bloom, 1971, p. 394. Le traducteur pense que c’est le Targum Sheni qui s’inspire du midrash.

14 Le terme utilisé pour exprimer ce que la femme doit à son mari, yeqâr, est un mot tardif qui manque dans le Pentateuque et chez les douze prophètes. Son record d’utilisation est en Esther (10 fois). Il a d’abord le sens de coûteux, cher, ce qui est rare, d’où celui de respect, dignité et honneur. Voir WAGNER, art. « jâqar », in G. J. BOTTERWECK – H. RINGGREN (éd.),Theologisches Wörterbuch zum Alten Testament, Bd III, Stuttgart/Berlin/Köln/Mainz : Kohlhammer, 1982, p. 855-865.

15 Certains écrits juifs précisent qu’elle a même été exécutée.

16 B. GROSSFELD, The Two Targums of Esther, p. 39.

17 Certains sautent trop vite sur la condamnation d’un royaume païen ainsi que son système et ses pratiques auxquels la malheureuse reine ne peut résister.

18 C. A. MOORE, Esther, p. XXI-XXXII, fait remarquer que, dans le texte hébreu (TM), le roi de Perse est cité 190 fois alors que Dieu n’est jamais cité. Beaucoup de thèmes théologiques sont absents. Les sacrifices et le Temple sont également absents parce que le Temple est supposé avoir été détruit, et l’absence du Temple implique l’absence des sacrifices.
Le livre d’Esther est le seul qui ne soit pas attesté à Qumrân. Certains ont estimé que son absence est un accident, alors que d’autres disent que ce livre n’existait pas jusqu’à l’époque hasmonéenne.
Chez les juifs, certains ne le reconnaissaient pas comme canonique. Ils disaient que ce rouleau a été composé pour être récité par coeur et non pour être écrit. Cependant pour d’autres il est tout à fait canonique. Voir bMegillah 7a. La Mishna, Yaddaim III, 5 ne cite pas Esther parmi les livres qui « ne souillent pas les mains » pour dire qui n’ont pas été écrits sous l’inspiration divine. Le livre d’Esther est connu par la conférence de Jamnia, et il est cité enBaba Batra 14b-15a parmi les 24 livres du canon.
Chez les chrétiens, ce livre était reconnu plus à l’Ouest (Clément de Rome, Hilaire, Augustin, etc) et renié à l’est (Grégoire de Nazianze, Théodore de Mopsueste, Anastase, etc). C. A. MOORE, Esther, p. XXV, cite un manuscrit grec de la Septante, n° 58 de la grande Édition de Cambridge, qui indiquerait « Esther : non canonique ».

19 C’est à partir d’Est 4/14, « soulagement et délivrance surgiront pour les juifs d’un autre endroit », que la tradition juive voit la seule allusion à Dieu dans ce livre. En effet, les juifs estiment que l’expression « d’un autre endroit » fait allusion à Dieu, d’où le nom de Maqom (le lieu, l’endroit) qu’on lui attribue.

20 Il faut se rappeler que, dans les traductions qui contiennent les deux, le contenu du texte d’Esther grec est placé avant celui du texte hébreu.

21 R. E. MURPHY – O. CARM, Wisdom Literature. Job, Proverbs, Ruth, Canticles, Ecclesiastes, and Esther. The Forms of the Old Testament Literature, vol. XIII, Grand Rapids : Eerdmans, 1988, p. 156, disent que ce livre a été écrit pour fonder l’origine de la fête des Purim qui a probablement une origine non juive. Voir aussi C. A. MOORE, Esther, p. XLVI-XLIX

The first chapter of the book of Esther is about the disgrace of Queen Vashti, the wife of King Ahasuerus (Xerxes), and the question of her replacement. Aside from the narrative questions which open the way for different interpretations, the text regulates a cultural matter in a world different from that of the modern-day reader. One is thus invited to put oneself in the place of those who lived in that culture, in order to understand the values which constitute the basis of familial harmony in that society.

p. 71-79

Auteur

HIMBAZA Innocent
Innocent HIMBAZA est maître d'enseignement et de recherche à la Faculté de théologie de l'université de Fribourg en Suisse.