Peut-on prier la violence ? La lecture du Psaume 94 que propose Ionel Ababi tente de répondre à cette question. Plusieurs éléments thématiques et lexicaux l’amènent à envisager une disposition concentrique du psaume dont le noyau se situe aux versets 8-15, entre un premier volet décrivant la situation d’injustice vécue au niveau communautaire (v. 3-7) et un second volet traitant de l’expérience personnelle du psalmiste (v. 16-21), eux-mêmes encadrés par l’ouverture (v. 1-2) et la finale (v. 22-23) qui forment une inclusion : l’appel pressant du psalmiste adressé au « Dieu des vengeances » au début de la prière se voit exaucé in fine lorsque les malfaisants récoltent les fruits de leur agir. Le « Dieu des vengeances » auquel en appelle l’orant est donc un Dieu chargé de rétablir la justice dans un monde de violence. Aussi est-il légitime de continuer à l’invoquer notamment quand l’injustice prend le dessus et, à l’instar du psalmiste, de remettre entre ses mains le sort des malfaiteurs qui ont été préalablement avertis et interpellés.
How does prayer relate to violence? Ionel Ababi’s reading of Psalm 94 is an attempt to answer this question. Thematic and lexical elements lead him to consider the psalm as a concentric layout whose core would be vv. 8-15, preceded by the description of the unfair situation of the community (vv. 3-7) and followed by the Psalmist’s own experience (vv. 16-21). These three segments are themselves framed by an opening (vv. 1-2) and a finale (vv. 22-23) starting with the Paslmist’s urgent claim to the « God to whom vengeance belongeth », ending with the fulfilling of the prayer, « the Lord our God shall cut [the wicked] off ». The God invoked by the Psalmist is the one who reinstates justice in a world of violence, and therefore such a prayer is legitimate when injustice succeeds.
p. 467-478
Auteur
ABABI Ionel
L’abbé Ionel ABABI, docteur en théologie de l'Université catholique de Louvain, est formateur au Séminaire Notre-Dame à Namur depuis 2014.